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3 days ago
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Sommes-nous encore capables de cohabiter ?
L'actualité des dernières semaines nous montre à quel point la cohabitation entre les différents acteurs de la ville est mise à rude épreuve, observe notre chroniqueuse. On parle beaucoup de cohabitation sociale en lien avec l'itinérance. Mais la cohabitation sociale ne se limite pas à nos contacts avec les personnes sans logement. Elle évoque aussi une cohabitation harmonieuse entre les différents acteurs de la ville. Or, l'actualité des dernières semaines nous montre à quel point cette cohabitation est mise à rude épreuve. Les conflits urbains se multiplient parce que les usagers de la ville n'ont pas tous les mêmes intérêts. Pour certains, c'est la recherche d'un logement à prix abordable, pour d'autres c'est la quiétude, pour d'autres encore, c'est le profit. Je pense à quelques cas précis. On apprenait, il y a quelques jours, qu'Hydro-Québec lorgnait le site de l'ancien hôpital de la Miséricorde pour construire son fameux poste électrique. On se souvient de la vive opposition qu'a suscitée le plan de la société d'État de construire ce poste dans le parc à côté de la Grande Bibliothèque. Est-ce qu'un quartier résidentiel est un meilleur choix ? Ou est-ce une tactique pour rendre le premier site plus acceptable ? Toujours est-il que les intérêts d'Hydro-Québec se heurtent aux projets d'un groupe d'organismes communautaires regroupés au sein du Quadrilatère de la Miséricorde. Depuis des années, ces groupes rêvent de construire une coop d'habitation, des logements étudiants, des ateliers d'artistes… Ils militent aussi pour préserver le patrimoine religieux de l'Hôpital. L'achat récent du site par un promoteur avait ravivé leurs espoirs. L'arrivée d'Hydro-Québec vient les compromettre. La construction d'infrastructures est souvent une source de conflit urbain (pensons à la construction du REM dans certains secteurs de la région métropolitaine). Mais c'est loin d'être la seule. Il y a aussi le bruit. Les médias rapportent de nombreux cas de gens qui se plaignent du bruit des feux d'artifice dans Verdun, par exemple, ou de voisins qui réussissent à faire fermer un bar parce que la musique est trop forte. Il y a aussi tous ces conflits autour du phénomène de densification, la solution de l'heure pour répondre à la crise du logement. J'en ai parlé avec Catherine Trudelle, professeure titulaire au département de géographie de l'UQAM. Il y a une quinzaine d'années, elle signait une étude avec d'autres chercheurs sur l'implantation de la TOHU dans Saint-Michel, un quartier où la vie communautaire et associative a fait une vraie différence dans le développement du quartier. La professeure Trudelle observe que les conflits urbains se sont multipliés au fil des ans. Sans la participation citoyenne, ce quartier construit près du site de l'ancienne carrière Miron, transformée par la suite en site d'enfouissement, ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui. Ce projet serait-il même possible aujourd'hui ? La société civile s'effrite. Les décisions se prennent souvent à l'avantage des acteurs socio-économiques. L'économie prime au détriment de la qualité de vie des citoyens. Catherine Trudelle, professeure titulaire au département de géographie de l'UQAM Comme plusieurs, la professeure Trudelle reconnaît qu'il faut densifier pour répondre à la crise du logement. Sauf que la densification, personne ne veut la vivre, ajoute-t-elle. « Pendant des années, le modèle qu'on nous vendait, c'était la maison unifamiliale avec un jardin. Aujourd'hui, les promoteurs arrivent avec des tours. Il va falloir restructurer les valeurs pour que les gens acceptent de densifier. Loger tout le monde, c'est une question de justice sociale. » Catherine Trudelle est d'avis que les conflits urbains ne se régleront pas sans prendre le temps de se parler, de discuter. Et quand le dialogue ne fonctionne pas ? « Les gens doivent sortir dans la rue », croit la professeure de l'UQAM. Cette pression sur les processus de consultation, Christian Savard, de l'organisme Vivre en ville, l'observe aussi. Il donne l'exemple de la ville de Québec. « Je ne suis pas de ceux qui disent qu'il faut parler à tout le monde, lance-t-il. Je ne pense pas que tout le monde a le bien commun comme objectif. Mais à Québec, la nouvelle loi 31 sur l'habitation [qui accorde des superpouvoirs aux municipalités] fait en sorte qu'on accélère les projets au détriment de la consultation. » M. Savard note une tension depuis un an ou deux, liée à la crise du logement. « Les promoteurs obtiennent plus facilement des concessions de la part des villes », souligne-t-il. Il cite en exemple les hauteurs autorisées autour du prolongement de la ligne bleue, à Montréal, par exemple. PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE Christian Savard, directeur général de l'organisme Vivre en ville Je comprends que les promoteurs doivent répondre aux coûts de construction, mais malgré tout, je dirais que les villes ont ouvert les vannes au détriment du dialogue. Christian Savard, directeur général de l'organisme Vivre en ville Or, qui perd quand on rogne sur le dialogue ? Ce sont souvent les plus vulnérables d'entre nous. Parce que leur voix pèse moins, parce qu'ils s'expriment peu ou pas. La professeure Catherine Trudelle l'observe. « Les personnes vulnérables sont presque vues comme une nuisance dans notre société, affirme-t-elle. On assiste à un phénomène de déshumanisation. » Comment faire en sorte que toutes les voix comptent sans paralyser les processus de décisions ? Cette question a intéressé des chercheurs de MILA, l'Institut québécois d'intelligence artificielle. À partir d'un modèle de négociation algorithmique, ils ont développé un prototype qu'ils ont appliqué à un contexte de conflit à Montréal. (Petit rappel : la négociation algorithmique, c'est la capacité de l'IA de prendre en considération plusieurs données, préférences, limitations, etc. et d'arriver avec un modèle qui soit consensuel. En anglais, on parle de l'approche de negotiative alignment. On l'utilise dans certaines villes pour optimiser des systèmes de livraison, par exemple.) Les chercheurs ont donc demandé à 35 résidents aux profils diversifiés (personnes en fauteuil roulant, personnes âgées, membres de la communauté LGBTQ) de se rendre sur 20 rues à Montréal et de les analyser selon plusieurs critères comme la beauté, l'accessibilité, la sécurité, etc. L'objectif était de trouver un compromis juste et inclusif sans étouffer les voix minoritaires. Les chercheurs partaient du constat que nos approches actuelles – consultations, tables rondes, etc. –favorisent les groupes les plus visibles et les plus influents au détriment des voix minoritaires. Le prototype qu'ils ont développé ajustait donc automatiquement les poids de chaque groupe selon les désaccords. Il ne visait pas un consensus qui écrasait les voix les plus faibles. Et il gardait la trace de toutes les oppositions exprimées, question de rendre tout ça très transparent. Un exemple ? Disons qu'un quartier souhaite aménager un parc. La majorité des personnes consultées trouvent le parc agréable, mais une minorité de personnes, en fauteuil roulant par exemple, le trouvent inaccessible. Plutôt que d'écarter leur opinion en la considérant comme négligeable, le modèle préserve leur désaccord et recommande des changements qui vont satisfaire les personnes en fauteuil roulant sans enlever quoi que ce soit au groupe majoritaire. On ne parle donc plus de consensus, mais bien de « cohabitations de points de vue ». Il n'y a pas UNE bonne solution, mais une solution qui ne compromet pas cette justice sociale dont parlait la professeure Trudelle. Je trouve cette recherche à la fois prometteuse et décourageante. Prometteuse pour ce que cet algorithme nous permettrait d'accomplir l'impossible : satisfaire tout le monde, ou presque. Décourageante, car l'IA aura été nécessaire pour y arriver. Les experts nous diront que l'IA ne remplace pas la dimension humaine, ou éthique. Que c'est un outil parmi tant d'autres. Je le souhaite. Ce serait dommage qu'on doive générer de l'empathie artificiellement pour réussir à cohabiter. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
24-07-2025
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La pénurie de logements abordables s'aggrave dans le Grand Montréal
La légère hausse du taux d'inoccupation dans le Grand Montréal n'est pas suffisante pour faciliter l'accès à un logement abordable, selon un rapport de la CMM. La pénurie de logements abordables continue de s'aggraver dans la région montréalaise, et ce, malgré une faible hausse du taux d'inoccupation dans les dernières années, s'inquiète la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). « L'offre demeure insuffisante pour répondre aux besoins des ménages et les logements abordables deviennent de plus en plus rares », affirme l'organisme regroupant 82 municipalités de la région, dans une analyse publiée jeudi par son Observatoire Grand Montréal, qui documente l'état du marché de l'habitation. Selon le rapport, le taux d'inoccupation des logements locatifs est passé de 1,5 % en 2023 à 2,1 % en 2024 dans la région métropolitaine. Il s'agit d'une amélioration, qui se situe toutefois « encore sous le seuil d'équilibre historiquement suggéré de 3 % », affirme la CMM, qui vise à atteindre à terme un seuil de 5 %. Pour le moment, l'accès à un logement abordable « demeure très restreint », concluent les auteurs. Ceux-ci révèlent notamment que pour une troisième année de suite, le taux d'inoccupation des logements dont le loyer est inférieur à la moyenne a reculé, pour atteindre « une disponibilité critique de 0,4 % » l'an dernier. Quant aux logements à un prix moyen, leur taux d'inoccupation s'est limité à 1,1 %. En fait, seules les unités dont le loyer est supérieur à la moyenne ont vu ce seuil augmenter, oscillant autour de 3,8 % en date de 2024. « Cette situation confirme que la pénurie touche principalement les ménages à faible et moyen revenu, qui peinent à trouver un logement correspondant à leur capacité financière », lit-on dans la note de la CMM. Des logements vacants très chers Les spécialistes insistent au passage sur le fait que « les pressions inflationnistes se transmettent plus facilement aux logements vacants qu'aux logements occupés ». De 2021 à 2024, le loyer médian des logements vacants a en effet explosé de 46 % pour atteindre plus de 1500 $, pendant que celui des unités occupées n'a augmenté que de 2,8 % et se situe autour de 1000 $. Résultat : un ménage à la recherche d'un logement vacant « doit désormais débourser un loyer médian qui excède de 60 % celui payé par les locataires déjà établis », déplore-t-on, en précisant que cette situation est particulièrement marquée pour les appartements de deux chambres, qui représentent plus de la moitié du parc ». Comme l'administration de Valérie Plante, la CMM recommande de multiplier la proportion de logements « hors-marché », qui sont développés par des organismes à but non-lucratif et qui échappent à la spéculation immobilière. Montréal et la CMM visent à ce que ce type d'unités représente 20 % du parc d'ici 2046. Dans son Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD), l'organisme plaide globalement pour une « densité résidentielle accrue à proximité du transport collectif » et encourage « l'intégration de davantage d'unités d'habitation accessoires dans les quartiers existants ». Le 1er juillet dernier, selon les chiffres de la Société d'habitation du Québec (SHQ), plus de 2000 ménages locataires étaient toujours à la recherche d'un logement et étaient accompagnés par un service d'aide. L'an passé à pareille date, on en comptait 1700. Une étude publiée dans la foulée par Statistique Canada avait démontré que le loyer moyen pour un appartement de deux chambres à Montréal était de 1930 $ au premier trimestre de 2025. Cela représente une hausse de 71 % par rapport à 2019, année où le loyer moyen d'un tel appartement était de 1130 $. La métropole se trouve actuellement au 17e rang des villes canadiennes où le logement est le plus cher.